Enfin je reprends en main cette catégorie hélas horriblement négligée dans cet espace depuis bien longtemps….
Pour un peu tailler dans le vif de l’actualité judiciaire, cette fois j’aimerais vous parler d’un livre qui m’a marqué en le lisant, il y a maintenant une année de cela - et qui continue à me travailler depuis. Il s’agit de l’Exécution, de Robert Badinter, avocat et Ministre de François Mitterrand, qui y décrit, dans une version romancée, sa bataille inconditionnée contre la peine de mort. Mon étonnement est grand, lorsque j’apprend que la guillotine, pratique largement moyenâgeuse, est encore en usage en France dans les années 70…!
Dans ce « roman classique »[1], comment l’appelle Pierre Viansson-Ponté, Badinter nous raconte l’histoire vraie et d’autant plus crue d’un jeune homme, Bontemps, accusé de meurtre, et risquant donc la peine de mort, et nous fait entrer en directe dans les détails concernant ce cas, la vie de l’accusé, le crime et, surtout, la position d’existence des deux avocats. Avec le jeune avocat qu'est Badinter il y a, en fait, son vieux maître, vieux sage qui lui indique le chemin et lui décrit la réalité inexorable de la juridiction française…
Ce livre réveille plusieurs questions brûlantes – quel est la position à prendre par un état face à un criminel, comment justifier la peine de mort, et, dans tout cela, quelle est la fonction déterminante de l’avocat ?
Badinter introduit cette dernière question tout au début de son ouvrage :
« Un avocat, ça sert à quoi ? à tenir son rôle, à dire ses phrases, des mots qu’on attend, au moment où on les attend ? Quand, qu’ on dit d’un avocat qu’il a du talent, qu’est-ce que cela signifie ? Que son rôle est bien tenu, que ses phrases sont bien venues, qu’il sait faire naître juste ce qu’il faut, pour un instant, de bonnes, de nobles émotions, qui font plaisir à ressentir, parce qu’elles vous rappellent que vous étés un homme de cœur, avec une conscience, une sensibilité, une générosité toutes prêtes à vibrer en vous ? Et puis la représentation achevé, le commentaire des connaisseurs saluant la performance, l’avocat retourne à son banc. Qu’a-t-il fait réellement pour l’homme qu’il défend ? »(R.Badinter, L’Exécution, édition Livre de Poche, p.11)
Cette problématique va être centrale dans l’ouvrage et va devenir une réflexion puissante, à la fois fine et percutante, sur la société et ses engagements. La question va, surtout, être centrale dans la vie de Badinter, qui va faire de la lutte contre l’exécution capitale un combat personnel. (voir L’abolition, ouvrage autobiographique du même auteur)
il faut le lire pour en savoir plus ! ;)
[1] Voici l’extrait en intégral :« Un grand roman classique, une histoire de haine, de sang, de mort et d'amour. Oui, d'amour. Unité de temps, de lieu, trois personnages : l'auteur, son vieux maître, la victime - oui, la victime - et puis la foule, avec quelques silhouettes bien plantées au premier rang. Un récit qui va droit son chemin vers la réponse à l'unique question : mourra-t-il ? Ce qui importe, c'est de savoir ce qu'est la justice, comment elle fonctionne, à quoi sert un avocat, pourquoi la peine de mort. C'est tout cela qui nous bouleverse dans ce beau livre, dur et sensible à la fois. Ne laissez plus passer, en tout cas pas ainsi, ce qu'on nomme par dérision peut-être la justice des hommes. » (extrait d’un article de Pierre Viansson-Ponté, Le Monde, 3 octobre 1973).